Le pilier des Anges, ou pilier du Jugement Dernier, est un élément architectural de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg qui représente l'avènement du Jugement dernier. Haut d'une vingtaine de mètres, il comporte douze statues réparties sur trois étages : les quatre Évangélistes, les anges sonnant les trompettes de l'apocalypse, et le Christ entourés d'anges portant les reliques de la Passion.
Le pilier supporte la voûte du bras sud du transept près du portail du Jour du jugement. Construit au XIIIe siècle, ses inspirations sont encore débattues. Plusieurs auteurs prônent la thèse d'une inspiration chartraine, d'autres pensent à une inspiration bourguignonne ou allemande.
Construction
Le pilier des Anges a été construit au XIIIe siècle, entre 1225 et 1235 voire 1245 selon Jean-Philippe Meyer. Le maître d'œuvre est inconnu, mais Erwin de Steinbach est souvent cité comme tel même s’il est né en 1244. Depuis le XVIe siècle, Sabina von Steinbach est aussi proposée mais cette hypothèse a également été abandonnée. Hans Reinhardt a mis en évidence que le pilier a été conçu par un seul maître. En 1939, Hans Kunzer montre, en analysant les moulures, que le pilier des Anges a été construit au même moment que la nef. Par manque de place sur les tympans des portes, les statues ont été ajoutées au pilier, ce qui en fait un cas unique au monde, les statues du Jugement dernier étant généralement placées sur la façade occidentale des églises.
Les dépouilles des évêques de l'archidiocèse sont généralement déposées au pied du pilier.
Inspirations
Plusieurs auteurs ont cherché à trouver les inspirations qui ont servi au pilier. En 1902, l'Allemand Karl Franck-Oberaspach y discerne des origines chartraines, et obtient plusieurs soutiens en comparaison avec le porche nord de la cathédrale Notre-Dame de Chartres. Cette thèse a été réfutée par certains auteurs allemands comme Wilhelm Vöge (en) et Hans Jantzen qui y voient une influence allemande, appuyée par la disposition assez rare des Évangélistes que l'on peut retrouver dans la cathédrale de Bâle ou celle de Munster.
En 1966, Willibald Sauerländer avance la thèse sennoise et bourguignonne et cette dernière est soutenue par Kunze et Robert Branner. Rudolf Kautzsch (de) rapproche les statues de celles de l'église Sainte-Madeleine de Besançon. Pierre Quarré établit une ressemblance entre la structure du pilier et celle du pilier du porche de la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon. Georg Dehio et Hans Reinhardt ont soutenu la thèse champenoise. D'autres ont émis l'hypothèse d'une influence parisienne. En 2020, Jean-Pierre Caillet propose une inspiration antique du pilier.
Description
Le pilier des Anges est un pilier à base octogonale mesurant 18 mètres qui supporte la voûte de la nef sud. Les douze statues font partie des colonnettes du pilier (correspondant aux ogives). Denise Borlée et Isabel Iribarren associent la verticalité de l'œuvre à l'ascension de l'esprit.
Premier niveau
Le premier niveau comporte les statues des quatre Évangélistes, chacun associé à un attribut : Marc est associé au lion, Matthieu à l'ange, Jean à l'aigle et Luc au bœuf. Les statues, dont les corps sont tournés d'un quart de tour en se regardant deux à deux, donnent un effet giratoire à l'ensemble, appuyé par les trompettes des anges du deuxième niveau. Les attributs des statues sont également tournés les uns vers les autres.
Saint Matthieu a une barbe brune, les yeux bleus et la chair rose. Son nimbe est doré et orné d'une étoile rouge à huit branches. Saint Luc a des yeux bleus, repeints en vert, des cheveux gris (le seul à avoir cette caractéristique), et son taureau est marron. Saint Marc a les yeux bruns et son lion possède des ailes bleues (malgré l'usure de son nimbe, il semble similaire à celui de Saint Matthieu). Le nimbe de saint Luc semble avoir un motif floral bleu, ses cheveux sont blonds et ses yeux bleus.
Deuxième niveau
Le deuxième niveau est orné d'anges nimbés jouant de la trompe, annonçant le jour du Jugement dernier. Les quatre anges possèdent de nombreuses similarités : la chair est rose et les cheveux sont ocre rouge ou blonds. Les ailes de l'ange au-dessus de saint Marc (orienté nord-est) sont les mieux conservées et présentent une couleur bleue.
Troisième niveau
Sur le troisième niveau, Jésus, montrant ses plaies, est assis sur un trône au-dessus de mortels sortant de leurs tombes. Le Christ est tourné vers la nef et regarde le chœur. Les trois autres statues représentent des anges portant des reliques de la Passion du Christ : la Sainte Lance, les Saints Clous et la Vraie Croix, et la Sainte Couronne.
La Sainte Lance est brisée et l'ange la portant présente des yeux bruns, des cheveux blonds, et son nimbe est orné d'une étoile rouge à huit branches (comme saint Matthieu, situé dans le même axe). La Sainte Couronne porte des traces rouges et vertes, et son ange possède un nimbe avec un motif fleurdelisé bleu (comme saint Marc situé dans le même axe). L'ange à la Croix a été peint avec des yeux bruns. Le Christ est vêtu d'un tissu doré et ses plaies forment un filet rouge. Son nimbe représente une croix rouge.
Études polychromiques
Il y a eu quelques études sur la polychromie de la cathédrale, dont les observations de Gustave Klotz en 1848. En 1925, Joseph Walter évoquait, à l'occasion du moulage du pilier, l'existence d'une polychromie partielle, et Lucien Hell publie en 1926 un ouvrage sur des relevés polychromiques.
L'homme à la balustrade
Dans la même salle que le pilier figure la statue d’un homme, accoudé à une balustrade. La légende raconte qu'un homme — identifié comme un architecte par Balthasar de Monconys en 1664 — aurait prétendu que le pilier des Anges s'effondrerait, ne pouvant supporter la voûte. En réponse, le maître d'œuvre Erwin de Steinbach aurait sculpté une statue du visiteur contemplatif, attendant l'effondrement du pilier. Néanmoins, le pilier des Anges a été achevé au XIIIe siècle et la balustrade au XVe siècle (l’homme sculpté porte d’ailleurs un couvre-chef typique de cette période) donc les deux œuvres ne sont pas contemporaines. Une autre théorie estime que la statue représente Hans Hammer, le maître d'œuvre de la tribune.
Notes et références
Bibliographie
- Claude Odilé, Le Pilier des Anges et autres légendes d’Alsace, .
- Monique Fuchs, Cathédrale de Strasbourg : L'horloge astronomique et le pilier des Anges, .
- Société des amis de la cathédrale de Strasbourg, Bulletins de la Cathédrale de Strasbourg, vol. XXXIV, , p. 11-58.
- (en) Akimi Iwaya, Expressive power of the Gothic pillar: The “Pillar of Angels” in Strasbourg Cathedral, (lire en ligne).
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